La Revue du Cinéma

Vatican Academy

 

THE LAST EXORCISM (2010 - US - Daniel Stamm)

 

     L'idée, sur le papier, est relativement prenante: un révérend de pacotille, gonflé au show évangeliste et aux exorcismes montés de toute pièce, fini par se lassé de l'attitude du Clergé (mention spécial à la coupure de presse: le Vatican Academy) pour enfin décider de se livrer, face caméra, à des confidences sur la teneur réelle de son métier: il est un homme "de Cinéma".

 

     A plusieurs égards, le début du film est brillant: dispositif documentaire afin de rendre crédible la décrédibilisation du clergé; personnage du révérend Cotton prenant corps dans la fiction comme anti-héro; récit de la fabrique des exorcismes similaire au tournage d'un film hollywoodien à grand spectacle... Tout y est. Le film, lors de son premier tiers, annonce un programme démythificateur qu'il n'aura, hélas, pas le cran d'assurer jusqu'au bout.

 

     Dans ce premier tier, face caméra, sous forme de confession, le révérend Cotton nous présente sa famille, son métier, ses véritables croyances: oui, l'Eglise est l'opium du peuple. Oui, si l'exorcisme est un placebo qui peut faire croire à la guérison, alors il est un remède tout aussi noble que n'importe quelle science humaine. Puis le révérrend de nous confier le secret de fabrication de ses exorcismes: toutes les usines à croyances suppose qu'on accepte une chose et son contraire. Le bien et le mal. La réalité et la fiction. Le paradis et l'enfer. Dieu et le diable. Si les anges existes, les démons guettent. "Who believes in God believes in the Devil too". La tâche revient donc au révérend d'utiliser de manière manichéenne les croyances des fidèles pour mieux les guérir et participer, par la même, à un démontage des croyances. Ce n'est pas la religion qui est simplement visée par cet incipit, on l'aura compris, mais le mécanisme de fabrication d'une autre usine à mythe: le cinéma. Une enveloppe, soit disante prise au hasard parmi tant d'autres, ne l'est jamais à l'image: déjà elle nous interpelle ("ouvrez moi vite", littéralement) puis fini par nous revenir comme prétexte au récit: un fermier de la nouvelle Orléan demande de l'aide au révérend. 

 

     Dans son second tiers, le film finit par se prendre les pieds dans son propre tapis: n'oublions pas qu'il s'agit d'un film d'horreur, donc n'oublions pas de faire peur.

L'arrivée en nouvelle Orléan est assez brillante et fini par faire peur plus que tout autre effet: sont-ce des ruines subsitantes de la tempêtes Katrina (des ruines subsistantes donc du gouvernement Bush)? Un abandon progressif de la civilisation vers une zone de non-droit (une métaphore de l'industrie hollywoodienne à l'heure d'internet)? Dans toutes les hypothèses, le sujet sonne juste: nous pénétrons dans un territoire qui symbolise le cauchemard américain du 21ème siècle. Pari tenu: si le cinéma est un territoire de fiction, il est aussi un territoire de réalité.

S'en suit, à l'arrivée du révérend dans la ferme, une succession de rencontre tout aussi brillante que l'incipit.

 

     Du milieu du film jusque dans son final, le film fini par perdre sa dialectique au profit de l'effet. Si les séquences chocs s'enchaînent, parfois lisiblement (l'agression du frère et la note qu'il laisse au révérend; l'attente tendue et nocturne du retour du père à la maison), parfois lourdement (la séquence où la "possédée" se saisit de la caméra pour aller tuer le chat dans la grange; l'annonce grandiloquante sous forme de dessin que tout est écrit d'avance), il n'en demeure pas moins une certaine réussite du dispositif originel.

 

     Cependant, le final, tout en renversement et en effet, entretient une ambiguité qui ne réjouis pas forcément: la réalité existe (sic!) donc le cinéma aussi (re-sic!), donc Dieu existe (re-re-sic!) donc le Diable aussi (re-re-re-sic!). La proposition de départ et inversé, ne manquant pas de produire un nouveau sens: dans le déplacement du recto/verso au verso/recto, il y a un glissement de terrain propre à effrayer l'Amérique, tout en la réjouissant. Oui, vous n'avez pas tord d'avoir peur, c'est bien, puisque cela veut dire que vous aviez raison de croire en Dieu. Vous aviez également raison de venir au Cinéma. In fine: il fallait être du côté du père de la possédée, présenté d'abord comme un monstre, avant de s'avérer le seul véritablement honnête et droit. Drôle d'adage.

 

     Le final, entre déception et effets pourtant saisissants, ne fait que réaliser cet adage, littéralement. Par un renversement de situation (le passage au drive-in suivi d'une nouvelle hypothèse) le film nous entraîne vers un apocalypse annoncé, refusant de nous laisser croire à autre chose qu'à l'image. Piège parfait, digne d'un cauchemare de Lovecraft. Mais piège dément et dangereux, où l'imaginaire du spectateur a déserté la salle en même temps que sa conscience.

 

     Le film, produit par Eli Roth, s'assimile de fait à l'une des réalisations précèdentes de monsieur: Hostel. Même intelligence, même saveur de l'Amérique. En prise avec son temps. De même qu'Hostel : limité par l'espace d'un esprit convaincu de dire là une vérité, la même pour tout le monde. Effrayant, à double titre.

 

trailer:

 

 

site officiel:

http://thelastexorcism.com/index.html



17/09/2010
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